samedi 30 octobre 2010

Chant et oeuvres d'art


Le Concert dans l'oeuf
de Jérôme Bosch
(vers 1450-1516)



L'original de ce tableau a disparu. Une des copies est actuellement conservée au Musée des Beaux-arts de Lille. Elle date du XVIe siècle.

Ce tableau suggère une tentative d'un spectacle musical dirigé par un moine qui suit une partition imprimée ... Mais les gestes du visage et corporels donnent à penser que ce concert est vouée à se terminant en une cacophonie ... aucun des artistes interprètes ou exécutants semblant être à tous en phase avec le chef ou avec les autres. Une sorte de folie se dégage de la scène.
L'oeuf géant ici représenté donne un aspect surréaliste à la scène, peut-être pour suggérer l'aspect artificiel de ce concert, voire de l'humanité.
En effet, Bosch est préoccupé par l’humanité corrompue et condamnée, selon lui, à l'enfer éternel.
Son oeuvre se caractérise donc par un aspect moralisateur et didactique.L'oeuf est par ailleurs un symbole alchimique, et fait allusion au monde ("le monde est comme un oeuf"). L'usage de symboles ésotériques ou alchimistes est fréquent à l'époque de l'artiste. Les certitudes du Moyen-Age mises en question à différents points de vue, favorisent le recours à d'autres systèmes explicatifs.

Un autre détail peut laisser penser que Bosch joue au jeu de "c'est l'oeuf ou la poule?" : on aperçoit des oiseaux dans les branches d'un arbre ayant grandi dans l'oeuf lui-même.question comme un groupe d'oiseaux sont observés de nidification dans les branches de l'arbre ayant grandi au sein de l'œuf.
La musique que semblent suivre les personnages n'a rien d'un cantique.
Elle a été identifiée. Le déchiffrage des notes peintes a révélé qu'il s'agit de la partition d'une chanson publiée en 1549 à Anvers par Tilman Susato. Cette chanson a connu un grand succès au milieu du XVIe siècle. Elle dit ceci: "Toutes les nuictz que je me couche sans vous pensant à vous". "ne fais que sommeiller, et en resvant jusques au resveillier. Incessament vous quiers par my la coucher. Et bien souvent en lieu de vostre bouche. En souspirant, je baise l'oreillier".

C'est un chant à 4 voix composé par Thomas Crecquillon qui fut maître de chapelle de Charles Quint.
Cependant, cette partition n'est pas celle qui figurait sur le tableau original puisque la chanson en question est postérieure à Jérôme Bosch (mort en 1516). Il est possible que sur le tableau original elle soit devenue illisible et que le copiste ait procédé à un repeint, en utilisant un chant à la mode de l'époque.
Les personnages ne semblent pas percevoir les éléments inquiétants qui les entourent. Le moine ne voit pas qu'un voleur lui coupe les cordons de sa bourse; les autres chanteurs portent des couvre-chefs très insolites, oiseaux ou objets. Autour d'eux des monstres et des diables s'affairent. En bas à droite, une chaussure abrite une scène de festin infernal auquel participent des diables et une femme nue.
Du feu, voire un incendie jaillissent de la terre. Un chat s'approche d'un poisson posé sur un grill alors qu'une main d'un personnage caché dans l'oeuf s'approche pour le saisir.

Peut être l'artiste s'est-il inspiré des proverbes flamands suivants:
"elle est aussi folle qu'un hibou" pour peindre la femme tenant un moulinet et portant sur la tête une chouette attaquée par des petits oiseaux.
"il boit comme un entonnoir" pour peindre l'homme coiffé d'un entonnoir.L'autre homme portant un pigeonnier sur la tête fait peut-être allusion à "il élève des pigeons au grenier" expression qui était utilisée pour parler d'un tenancier de maison close.
Le thème de l'orchestre infernal sera repris par Bosch dans un autre de ses chefs d'oeuvre, Le Jardin des délices . avec la scène de l'orchestre infernal dans le panneau de l'enfer de son œuvre maîtresse. Ce tableau peut être rapproché également de La Nef des fous.





























Source: Jérôme Bosch. Roger van Schoute. Monique Verboomen. La Renaissance du Livre. Tournai, 2003.

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